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l’académie française sous l’ancien régime.

réceptions académiques auxquelles on le conviait plusieurs fois par an ; il y avait pris goût, et c’était précisément pour les entendre qu’il s’entassait dans la petite salle du Louvre. On comprend qu’il n’ait pas souhaité qu’on lui offrît autre chose, et que, le jour où il n’a pas retrouvé tout à fait ce qu’il était venu chercher, il ait été de méchante humeur. On revint pourtant assez vite de cette mauvaise opinion que rien ne justifiait. Comme il est arrivé plus d’une fois à cette époque, les gens d’esprit de la cour en appelèrent de l’arrêt qu’avaient si légèrement prononcé « les illustres de la ville ». À Chantilly, « écueil des mauvais ouvrages », où La Bruyère était bien connu, son discours fut apprécié avec plus de justice, et le roi se le fit lire, à Marly, pendant son dîner. Aujourd’hui tout le monde est d’accord que c’est un des meilleurs qui aient été prononcés devant l’Académie[1].

  1. Le discours de La Bruyère occupa encore quelque temps l’Académie. Ses ennemis essayèrent d’abord d’empêcher qu’il ne fût publié par Coignard, comme c’était l’usage, et inséré parmi les autres discours académiques. Mais Bignon se refusa à séparer sa cause de celle de son confrère et à laisser paraître le sien tout seul. Il répondit « que deux discours, également innocents, prononcés dans le même jour, devaient être imprimés dans le même temps ». On voulut au moins obtenir que le parallèle entre Racine et Corneille fût supprimé. Mais alors Racine se fâcha, et il fit dire par Bossuet qu’il ne paraîtrait plus à l’Académie, si le discours n’était pas imprimé comme il avait été prononcé. Aucune trace de ces discussions n’est restée dans les registres.