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l’académie française sous l’ancien régime.

enfin il existait, il était conforme à la législation du temps ; Furetière faisait partie de l’Académie quand elle l’avait demandé et obtenu ; tant qu’il n’était pas révoqué, on était contraint de le respecter [1]. La justice fut saisie, et Furetière exclu solennellement de l’Académie [2].

Il se vengea par ses factums ; le droit lui étant contraire, il tâcha de mettre les rieurs de son côté, et il y réussit. Le succès prodigieux des factums de Furetière se comprend très aisément. D’abord il avait beaucoup d’esprit : dans le monde, où il était fort répandu, on le tenait pour un railleur impitoyable ; ensuite il était victime d’un monopole, et cette société de privilégiés se piquait de malmener les privilèges. Enfin il attaquait l’Académie : c’est une de ces institutions comme il y en a beaucoup chez nous, pour laquelle on se sent au fond du respect, et dont on aime à médire. Furetière s’en moque fort agréablement. Il nous

  1. Ce qui est piquant, c’est que Furetière, qui ne pouvait pas nier que le privilège de l’Académie ne fut légal, prétend qu’il a été surpris au chancelier d’Aligre. Avait-il oublié de quelle manière et par quel tour d’adresse il avait obtenu le sien ?
  2. L’exclusion de l’Académie était prévue par les statuts. Jusqu’à Furetière on n’avait appliqué cette peine qu’une fois. En 1635, l’Académie avait exclu l’abbé Garnier, coupable d’avoir abusé d’un dépôt que lui avaient confié des religieuses.