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l’académie française sous l’ancien régime.

la tyrannie du latin ; beaucoup de gens doutaient encore qu’elles fussent propres à exprimer rien de sérieux et de durable. Pellisson lui-même avait d’abord partagé ce préjugé ; il nous dit que, dans sa jeunesse, ou avait eu grand’peine à l’arracher à son Térence et à son Cicéron, et que ce n’est qu’après qu’il eut rencontré les pamphlets de Sirmond et les lettres de Balzac qu’il commença « non seulement à ne plus mépriser la langue française, mais encore à l’aimer passionnément et à croire qu’avec du génie, du temps et du travail, on pouvait la rendre capable de toutes choses[1] ». C’est bien ce qui est arrivé ; elle est devenue « capable de toutes choses », et même, ce qu’on ne croyait pas, de supplanter les langues anciennes. Jusque là on écrivait en latin quand on voulait être lu du monde entier. En 1658, Nicole crut devoir traduire en latin les Provinciales pour qu’il leur fut possible de passer la frontière et d’être autant admirées à l’étranger que chez nous. Un siècle plus tard on n’aurait plus eu besoin de le faire : le français était devenu la langue de toute l’Europe lettrée. Les espérances de l’Académie s’étaient

  1. Pellisson, ouvr. cit., éd. Livet, I, p. 225-226.