Page:Boissier - L’Académie française sous l’ancien régime, 1909.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
l’académie française sous l’ancien régime.

pas de si noirs desseins. Il aimait avec passion notre langue, qu’il parlait très bien, et il prévoyait à quelles grandes destinées elle était appelée. Mais il avait bien reconnu à l’usage qu’il lui manquait d’être mieux ordonnée et moins changeante. C’est à l’Académie qu’il voulait donner la tâche de corriger ses dérèglements et de la rendre plus fixe. Pour qu’elle y réussît et que ses arrêts fussent respectés, il lui semblait qu’elle devait emprunter son autorité à celle de l’État ; il croyait que les lois du langage doivent avoir la même sanction que les autres pour posséder la même force. L’événement prouve qu’il ne s’est pas trompé. C’est à son caractère officiel que le dictionnaire de l’Académie doit son importance ; il a été, dès son apparition, la règle du langage ; et l’on est surpris de voir combien, à chaque édition nouvelle, les changements qu’il enregistre sont vite acceptés par l’opinion.

De là sont venues encore d’autres conséquences auxquelles il est vraisemblable que Richelieu ne pensait pas. En accordant à l’Académie une sorte d’investiture officielle, il semblait l’associer de quelque manière à l’autorité souveraine. On comprend que cette situation ait contribué à donner à