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la suppression des académies en 1793.

fort et ses amis, une chose est indubitable, c’est que les plaisanteries que l’on continuait à débiter sur elle n’en ont dégoûté personne. Jusqu’à la fin, on l’a regardée comme une distinction très désirable qui donnait à un écrivain un rang particulier parmi ses confrères. Il semble même qu’à mesure qu’on avance dans la seconde moitié du siècle, l’estime qu’on fait d’elle augmente. Elle s’était obstinée longtemps à s’opposer aux idées nouvelles, et sa popularité en avait souffert ; mais l’élection de Voltaire, en 1746, la raccommoda avec le parti philosophique, qui était en train de faire la conquête de la France. Dès lors, l’Académie semble prendre la tête du mouvement. Il y règne un esprit d’indépendance, presque de révolte, auquel les têtes les plus sages, et qui semblent à l’abri de toutes les témérités, ne résistent pas. Marmontel, un timide, qui manqua mourir de peur à la Révolution, se laisse aller à écrire le quinzième chapitre de Bélisaire, qui le met aux prises avec la Sorbonne ; Thomas, le plus doux des hommes, élève pieux d’un séminaire, trouve, dans son éloge de Sully, des accents révolutionnaires pour attaquer les gabelles, les corvées, la taille, tout le système financier du passé, et se fait