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blement une profession. Je crois seulement que cette loi fut toujours très imparfaitement observée. Comme elle n’avait pas pu tout prévoir, il ne lui était guère possible d’empocher la reconnaissance des clients de trouver quelque forme ingénieuse qui échappât à sa sévérité. S’ils étaient bien déterminés à payer de quelque manière les services qu’on leur avait rendus, il me semble difficile que la loi pût toujours les en empêcher. Au temps de Cicéron, on ne se faisait pas faute de la violer ouvertement. Verrès disait à ses amis qu’il avait fait trois parts de l’argent qu’il rapportait de Sicile ; la plus considérable était pour corrompre ses juges, l’autre pour payer ses avocats, et il se contentait de la troisième[1]. Cicéron, qui à cette occasion se moquait de l’avocat de Verrès, Hortensius, et du sphinx qu’il avait reçu en acompte, se gardait bien de l’imiter. Son frère affirme qu’au moment où il briguait le consulat, il n’avait jamais rien exigé de personne[2]. Cependant, quelques scrupules qu’on lui suppose, il est bien difficile d’admettre qu’il n’ait jamais profité de la bonne volonté de ses clients. Sans doute il refusa les présents que les Siciliens voulaient lui faire quand il les eut vengés de Verrès : peut-être n’eût-il pas été prudent de les accepter après une cause si éclatante, qui avait attiré sur lui tous les regards, et lui avait fait de puissants ennemis ; mais quelques années après je vois qu’il se laisse tenter par le cadeau que lui fait son ami Papirius Pœtus, pour lequel il vient de plaider[3]. C’étaient de beaux livres grecs et latins, et Cicéron n’aimait rien tant que les livres. Je vois aussi que lorsqu’il avait besoin d’argent, ce qui lui arrivait bien quelquefois, il s’adressait de préférence aux gens riches qu’il avait dé-

  1. In Verrem, act. prim., 14.
  2. De petit. cons., 5 et 9.
  3. Ad Att., I, 20.