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maison de Formies pour y mourir. Il a souvent remercié le coup de vent qui le ramena à Vélie la première fois qu’il voulait fuir en Grèce. C’est ce qui lui a donné l’occasion de prononcer ses Philippiques. Celui qui le rejeta dans Caïète n’a pas moins servi sa renommée. Sa mort me semble racheter les faiblesses de sa vie. C’est beaucoup pour un homme comme lui, qui ne se piquait pas d’être un Caton, d’avoir été si ferme à ce terrible moment ; plus il était timide de caractère, plus je suis touché de le trouver si résolu pour mourir. Aussi, lorsqu’en étudiant son histoire je suis tenté de lui reprocher ses irrésolutions et ses défaillances, je songe à sa fin, je le vois, comme Plutarque l’a si bien dépeint, « la barbe et les cheveux sales, le visage fatigué, prenant son menton avec la main gauche, par un geste qui lui était ordinaire, et regardant fixement ses meurtriers[1], » et je n’ose plus être sévère. Malgré ses défauts, c’était un honnête homme, « qui aimait bien son pays, » comme le disait Auguste lui-même un jour de franchise et de remords. S’il fut quelquefois trop hésitant et trop faible, il a toujours fini par défendre ce qu’il regardait comme la cause de la justice et du droit, et quand elle a été vaincue pour jamais, il lui a rendu le dernier service qu’elle pût réclamer de ses défenseurs, il l’a honorée par sa mort.

  1. Plutarque, Cicéron, 48.