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chefs Varron, Cicéron et Caton, c’est-à-dire deux petits bourgeois d’Arpinum et de Réate, et le descendant du paysan de Tusculum.

Du reste, César ne semble pas s’être beaucoup préoccupé lui-même de ce rôle de champion de la démocratie. Quand on lit avec soin ses mémoires, on ne voit pas qu’il y parle beaucoup des intérêts du peuple. La phrase que j’ai citée tout à l’heure est à peu près la seule où il en soit question. Il est plus franc dans tout le reste. Au début de la guerre civile, quand il expose les raisons qu’il a de la commencer, il se plaint qu’on lui refuse le consulat, qu’on lui enlève sa province, qu’on l’arrache à son armée ; il ne dit pas un mot du peuple, de ses droits méconnus, de sa liberté qu’on opprime. C’était pourtant le moment d’en parler pour justifier une entreprise que tant de gens, et les plus honnêtes, condamnaient. Dans les dernières conditions qu’il posait au sénat avant de marcher sur Rome, que réclamait-il ? Toujours son consulat, son armée, sa province ; il défendait ses intérêts personnels, il stipulait pour lui ; jamais il ne lui vint dans la pensée de demander aucune garantie pour ce peuple dont il se disait le défenseur. Autour de lui, dans son camp, on ne pensait pas plus au peuple qu’il ne s’en occupait lui-même. Ses meilleurs amis, ses plus braves généraux, n’avaient pas la prétention d’être des réformateurs ni des démocrates. Ils ne croyaient pas en le suivant qu’ils allaient rendre la liberté à leurs concitoyens ; ils voulaient venger leur chef outragé et lui conquérir la puissance. « Nous sommes les soldats de César, disaient-ils avec Curion[1]. » Ils n’avaient pas d’autre titre, ils ne connaissaient pas d’autre nom. Quand on venait parler à ces vieux centurions qui avaient vu la Germanie et la Bretagne, qui avaient pris

  1. De bello civ., II, 32.