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sénat, je lui aurais donné le vingt-quatrième coup de poignard. » Au contraire, c’est de nos jours, dans une époque toute démocratique, après la révolution française, qu’au nom même de la révolution et de la démocratie on a soutenu avec le plus d’avantage le parti de César, et qu’on a mis dans tout son jour le profit que l’humanité a tiré de sa victoire.

Je n’ai pas l’intention de rouvrir ce débat, il est trop fertile en discussions orageuses. Je n’en veux prendre ici que ce qui est indispensable pour faire connaître la vie politique de Cicéron. Il y a, je crois, deux façons très différentes d’envisager la question : — la nôtre d’abord, c’est-à-dire celle des gens désintéressés dans ces querelles d’autrefois, qui les abordent en historiens ou en philosophes après que le temps les a refroidies, qui les jugent moins sur les causes que sur les résultats, et qui se demandent surtout le bien ou le mal qu’elles ont fait au monde ; — ensuite celle des contemporains, qui les apprécient avec leurs passions et leurs préjugés, d’après les idées de leur temps, dans leurs rapports avec eux-mêmes, et sans en connaître les conséquences éloignées. C’est uniquement à ce dernier point de vue que je vais me placer, quoique l’autre me semble bien plus grand et bien plus fécond ; mais comme mon seul dessein est de demander compte à Cicéron de ses actes politiques, et qu’on ne pouvait pas raisonnablement exiger de lui qu’il devinât l’avenir, je me bornerai à montrer comment la question se posa de son temps, quelles raisons on alléguait des deux côtés, et de quelle façon il était naturel qu’un homme sage et qui aimait son pays appréciât ces raisons. Oublions donc les dix-huit siècles qui nous séparent de ces événements, supposons que nous sommes à Formies où à Tusculum pendant ces longues journées d’anxiété et d’incertitude qu’y passa Cicéron, et que nous l’entendons discuter,