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n’étaient qu’une manière de réglementer l’assassinat. Après avoir pourvu ainsi à sa vengeance, elle s’était occupée à fortifier son autorité. Elle avait dépossédé de leurs biens les municipes les plus riches de l’Italie, exclu les chevaliers des tribunaux, diminué les attributions des comices populaires, dépouillé les tribuns du droit d’appel, c’est-à-dire qu’elle n’avait rien laissé debout à côté d’elle. Quand elle eut brisé toutes les résistances par la mort de ses ennemis et concentré tout le pouvoir en ses mains, elle déclara solennellement que la révolution était finie, qu’on allait revenir à un gouvernement légal, et « qu’on cesserait de tuer à partir des calendes de juin. » Mais malgré ces pompeuses déclarations les massacres continuèrent longtemps encore. Des assassins, protégés par les affranchis de Sylla, qui partageaient le profit avec eux, se répandaient le soir, dans les rues obscures et tortueuses de la vieille ville, jusqu’au pied du Palatin : Ils frappaient les gens riches qui rentraient chez eux, et, sous quelque prétexte, se faisaient adjuger leur fortune, sans que personne osât se plaindre. Tel était le régime sous lequel on vivait à Rome à l’époque où Cicéron plaida ses premières causes. Un modéré comme lui, à qui les excès répugnaient, devait avoir horreur de ces violences. Une tyrannie aristocratique ne pouvait pas plus lui convenir qu’une tyrannie populaire. En présence de tous ces abus d’autorité que se permettait la noblesse, il se sentit naturellement porté à tendre la main à la démocratie, et ce fut dans les rangs de ses défenseurs qu’il fit ses premières armes.

Ses débuts furent pleins d’audace et d’éclat. Au milieu de cette terreur muette qu’entretenait le souvenir des proscriptions, il osa parler, et le silence universel donna plus de retentissement à sa parole. Son importance politique date de la défense de Roscius. Ce malheureux,