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pas assez affermi ; il le redevint plus tard, quand il s’aperçut que la faveur publique lui échappait. Ce règne, qui commence par proscrire les hommes, finit par brûler les livres. C’est seulement dans l’intervalle qui sépare ces rigueurs que la correspondance de Cicéron put être publiée.

Personne ne nous a dit quelle impression elle produisit sur ceux qui la lurent pour la première fois ; mais on peut affirmer sans crainte que cette impression fut très vive. On sortait à peine des guerres civiles ; jusque-là on ne s’était occupé que des maux présents ; personne, dans ces malheurs, n’avait l’esprit assez libre pour songer au passé. Au premier repos que connut cette génération tourmentée, elle s’empressa de jeter un regard en arrière. Soit qu’elle cherchât à se rendre compte des événements, soit qu’elle voulût jouir de ce plaisir amer qui se trouve, selon le poète, dans le souvenir des anciennes souffrantes, elle revint sur les tristes années qu’elle venait de traverser et souhaita remonter jusqu’aux origines même de cette lutte dont elle avait vu la fin. Rien ne pouvait mieux satisfaire cette curiosité que les lettres de Cicéron. Aussi n’est-il pas douteux que tout le monde alors ne les ait lues avidement.

Je ne crois pas que cette lecture ait nui au gouvernement d’Auguste. Peut-être la réputation de quelques personnages importants du régime nouveau eut-elle un peu à en souffrir. Il était déplaisant pour des gens qui se glorifiaient d’être les amis particuliers du prince qu’on allât exhumer leurs professions de foi républicaines. Je suppose que les malins devaient s’égayer de ces lettres où Pollion jure d’être l’éternel ennemi des tyrans et où Plancus rejette durement sur la trahison d’Octave les malheurs de la république. Octave lui-même ne devait pas être épargné, et les souvenirs