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II

Je voudrais, après avoir analysé ce monument curieux, dire en quelques mots l’impression qu’il me laisse sur celui qui l’a écrit.

La vie politique d’Auguste est enfermée tout entière entre deux documents officiels qui, par un rare bonheur, nous sont tous les deux parvenus : je veux dire le préambule de l’édit de proscription qu’Octave a signé, et, selon toute apparence, rédigé lui-même, et que nous a conservé Appien ; et l’inscription retrouvée sur les murailles du temple d’Ancyre. L’un nous fait voir ce qu’Octave était à vingt ans, au sortir des mains des rhéteurs et des philosophes, dans le premier feu de son ambition, et avec les instincts véritables de sa nature ; l’autre nous montre ce qu’il était devenu après cinquante-six ans d’un pouvoir sans contrôle et sans limites ; il suffit de les rapprocher pour connaître le chemin qu’il avait fait, et les changements qu’avaient amenés en lui la connaissance des hommes et la pratique des affaires.

Le pouvoir l’avait rendu meilleur, ce n’est pas l’ordinaire, et l’histoire romaine ne nous montre plus après lui que des princes que le pouvoir a dépravés : Depuis la bataille de Philippes jusqu’à celle d’Actium, ou plutôt jusqu’au moment où il sembla demander solennellement pardon au monde en abolissant tous les actes de triumvirat, on sent qu’il travaille à devenir meilleur, et l’on suit presque ses progrès. Je ne crois pas qu’il y ait un autre exemple d’un effort aussi violent fait contre soi-même, et d’un succès aussi complet à vaincre sa nature. Il était naturellement lâche, et se cacha sous sa tente la première fois qu’il fut aux prises avec l’ennemi. Je ne sais comment il fit, mais il parvint à se donner du