Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

violentes sous le nom de Erutus et de Cicéron, ou se permettent de parler librement dans ces réunions polies, qui étaient les salons de cette époque : in conviviis rodunt, in circulis vellicant. Mais ce sont là des exceptions sans importance et qui disparaissent au milieu de ce concert universel d’admiration et de respect. Pendant plus de cinquante ans, le sénat, les chevaliers et le peuple s’ingénièrent à trouver des honneurs nouveaux pour celui qui avait rendu à Rome la paix intérieure, et qui, au dehors, maintenait si vigoureusement sa grandeur. Auguste a pris soin de rappeler tous ces hommages dans l’inscription que nous étudions, non pas par un accès de vanité puérile, mais pour constater cet accord de tous les ordres de l’État qui semblait légitimer son autorité. Cette pensée se révèle surtout dans ces dernières lignes de l’inscription où il rappelle une des circonstances de sa vie qui lui était le plus précieuse, parce que le consentement de tous les citoyens y avait paru avec le plus d’éclat : « Pendant que j’étais consul pour la treizième fois, dit-il, le sénat, l’ordre des chevaliers et tout le peuple m’ont donné le nom de Père de la patrie, et ont voulu que ce fait fût inscrit dans le vestibule de ma maison, dans la curie et dans mon forum, au-dessous des quadriges qui y avaient été placés en mon honneur par un sénatus-consulte. — Quand j’écrivais ces choses, j’étais dans ma soixante-seizième année. » Ce n’est pas sans motif qu’il a réservé ce détail pour la fin. Ce titre de Père de la patrie dont il fut salué au non de tous les citoyens par l’ancien ami de Brutus, Messala, semblait être la consécration légale d’un pouvoir acquis par l’illégalité, et une sorte d’amnistie que Rome accordait au passé. On comprend qu’Auguste mourant se soit arrêté avec complaisance sur le souvenir qui semblait l’absoudre, et qu’il ait tenu à terminer par là cette revue de sa vie politique.