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citoyens qu’attristait l’aspect de ce forum désert et de ce sénat obéissant, il montrait les armées romaines pénétrant chez les Pannoniens et chez les Arabes, les flottes romaines naviguant sur le Rhin et le Danube, les rois des Bretons, des Suèves, des Marcomans réfugiés à Rome et réclamant l’appui des légions, les Mèdes et les Parthes, ces terribles ennemis de Rome, lui demandant un roi, les nations les plus lointaines, les moins connues, les mieux protégées par leur éloignement et leur obscurité, troublées par ce grand nom qui, pour la première fois, arrive jusqu’à elles et sollicitant l’alliance romaine. « Il m’est venu de l’Inde, disait-il, des ambassadeurs de rois qui n’en avaient encore envoyé à aucun général romain. Les Bastarnes, les Scythes et les Sarmates qui habitent en deçà du Tanaïs, et au delà de ce fleuve, les rois des Albaniens, des Ibères et des Mèdes m’ont envoyé des députés pour demander notre amitié. » Il était bien difficile que le cœur des plus mécontents résistât à tant de grandeur. Mais ce qui fut surtout un coup de maître, ce fut d’étendre jusque dans le passé ce souci qu’il montrait de la gloire de Rome. Il honorait presque autant que des dieux, dit Suétone[1], tous ceux qui, dans tous les temps, avaient travaillé pour elle ; et pour montrer que personne n’était exclu de ce culte, il fit relever la statue de Pompée, aux pieds de laquelle César était tombé, et la plaça dans un lieu public. Cette conduite généreuse était aussi une tactique habile. En adoptant les gloires du passé, il désarmait par avance les partis qui pouvaient être tentés de s’en servir contre lui, et, en même temps, il donnait une sorte de consécration à son pouvoir en le rattachant de quelque manière à ces vieux souvenirs. Quelque différence qui séparât le gouvernement qu’il fondait de celui de la république, tous deux

  1. Suétone, Auguste, 31.