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pire, et à l’empire duquel il n’est pas possible d’échapper, c’est lui qui vient nous dire, avec une assurance effrontée, qu’il n’a pas voulu accepter le pouvoir absolu !

Il faut reconnaître que ce pouvoir absolu, qui se dissimulait avec tant de précaution, cherchait aussi par tous les moyens à se faire pardonner. Toutes les compensations qu’on peut offrir à un peuple pour lui faire oublier sa liberté, Auguste les a libéralement données aux Romains. Je ne parle pas seulement de cette prospérité matérielle qui fit que, sous son règne, le nombre des citoyens s’accrut de près d’un million[1], ni même du repos et de la sécurité qui, au sortir des guerres civiles, étaient le besoin le plus impérieux de tout le monde, mais aussi de cet éclat incomparable que ses embellissements de toute sorte donnèrent à Rome. On était sur de plaire au peuple par ce moyen. César, qui

  1. L’inscription d’Ancyre donne, au sujet de cette augmentation, les renseignements les plus précis. En 725, Auguste fit le cens une première fois, après quarante et un ans d’interruption ; on compta, dans ce recensement, 4.063.000 citoyens. Vingt et un ans après, en 746, on en compta 4.233.000. Enfin, en 767, l’année même de la mort d’Auguste, il y en avait 4.937.000. Si l’on ajoute, au chiffre que donne Auguste, celui des femmes et des enfants qui n’étaient pas compris dans le cens romain, on verra que, dans les vingt dernières années de son règne, l’augmentation avait atteint une moyenne de 16 pour 100 à peu près. C’est justement le chiffre auquel s’élève l’accroissement de la population en France, après la Révolution, de 1800 à 1825 ; c’est-à-dire que des circonstances politiques assez semblables avaient amené les mêmes résultats. On pourrait croire, à la vérité, que cette augmentation de la population sous Auguste tient à l’introduction des étrangers dans la cité. Mais on sait, par Suétone, qu’Auguste, contrairement à l’exemple et aux principes de César, se montra très avare du titre de citoyen romain.