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exemple, il donna d’un seul coup 170 millions de sesterces (34 millions de francs). Mais ces dons volontaires n’ayant pas suffi, il fallut inventer de nouveaux impôts, et remplir le trésor de l’armée avec le produit du vingtième des héritages et du centième des ventes. Encore semble-t-il que, malgré ces ressources, les retraites étaient mal payées, puisque ce fut un des griefs qu’alléguaient les légions de Pannonie dans leur révolte contre Tibère. Il est certain que l’armée d’Auguste a été un des plus grands soucis de son administration. Ses propres légions lui ont créé autant d’embarras que celle des ennemis. Il avait affaire à des soldats qui se sentaient les maîtres et que depuis dix ans on enivrait de flatteries et de promesses. La veille de la bataille, ils étaient pleins d’exigences par le besoin qu’on avait d’eux ; le lendemain de la victoire, ils devenaient intraitables par l’orgueil qu’elle leur inspirait. Pour les contenter, il eût fallu exproprier en masse, à leur profit, tous les habitants de l’Italie, Octave y avait consenti d’abord, après Philippes ; mais plus tard, quand sa politique changea, quand il comprit qu’il ne pouvait pas fonder d’établissement solide s’il s’attirait la haine des Italiens, il prit le parti de payer largement aux propriétaires les terres qu’il donnait à ses vétérans. « J’ai remboursé en argent, dit-il, aux municipes la valeur des champs que j’avais donnés à mes soldats dans mon quatrième consulat et plus tard sous le consulat de M. Crassus et de Cn. Lentulus. J’ai payé pour les champs situés en Italie 600 millions de sesterces (420 millions), et 260 millions de sesterces (52 millions) pour ceux qui étaient situés dans les provinces. De tous ceux qui ont établi des colonies de soldats dans les provinces et dans l’Italie, je suis jusqu’à présent le premier et le seul qui ait agi ainsi. » Il a raison de s’en vanter. Ce n’était guère l’habitude des généraux de ce temps de payer ce qu’ils