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faut le chercher ailleurs. Celui qui nous donne à ce sujet les renseignements les plus complets, c’est l’historien Dion Cassius. On ne lit guère Dion, et cela n’est pas surprenant ; il n’a aucune des qualités qui attirent les lecteurs. Son récit est sans cesse interrompu par des harangues interminables qui rebutent les plus patients. C’est un esprit étroit, sans portée politique, tout préoccupé de superstitions ridicules, et qui prête les mêmes préoccupations à ses personnages. — Il vaut bien la peine, en vérité, d’avoir été deux fois consul pour venir nous dire sérieusement qu’après une grande défaite Octave reprit courage en voyant un poisson sauter de la mer jusqu’à ses pieds. — Ce qui ajoute à l’ennui qu’il cause, c’est qu’ayant souvent traité les mêmes sujets que Tacite, il réveille à chaque instant des comparaisons qui lui sont fâcheuses. Cependant il faut bien se garder de le dédaigner ; tout ennuyeux qu’il est, il rend de très utiles services. S’il n’a pas les grandes vues de Tacite, il s’applique au détail et y fait merveille. Personne n’a jamais été plus exact et plus minutieux que lui. Je me le figure comme un zélé fonctionnaire qui a passé par la hiérarchie et vieilli dans le métier. Il connaît bien ce monde officiel et administratif, parmi lequel il a vécu ; il en parle pertinemment, et il aime à en parler. Avec ces dispositions, il est naturel qu’il ait été frappé des réformes introduites par Auguste dans le gouvernement intérieur. Il tient à nous les faire connaître par le menu ; et, fidèle à ses habitudes de rhéteur et à son amour effréné pour les belles harangues, il suppose que c’est Mécène qui a proposé à Auguste de les établir et profite de l’occasion pour le faire très longuement parler[1]. Le discours de Mécène contient véritablement ce qu’on peut

  1. Dion, LII, 14-40. Voyez ce que dit de Dion M. Egger, dans son Examen des historiens d’Auguste, ch. VIII.