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nouveau, recherchaient son amitié, et celui qui fonda l’empire l’appelait son père.

La correspondance d’Octave et de Cicéron avait été publiée, et nous savons qu’elle formait au moins trois livres. Elle serait d’un bien grand intérêt pour nous, si nous l’avions conservée. Nous pourrions suivre, en la lisant, toutes les phases de cette amitié de quelques mois qui devait finir d’une façon si terrible. Il est probable que les premières lettres de Cicéron nous le feraient voir d’abord défiant, incertain, froidement poli. Quoi qu’on ait dit, ce n’est pas lui qui appela Octave au secours de la république. Octave vint de lui-même s’offrir. Il écrivait tous les jours à Cicéron[1], il l’accablait de protestations et de promesses, il l’assurait d’un dévouement qui ne devait pas se démentir. Cicéron hésita longtemps à mettre ce dévouement à l’épreuve. Il trouvait Octave intelligent et décidé, mais bien jeune. Il redoutait son nom et ses amis. « Il est trop mal entouré, disait-il, il ne sera jamais un bon citoyen[2]. » Cependant il finit par se laisser gagner ; il oublia ses défiances, et même quand l’enfant, comme il affectait de l’appeler, eut fait lever le siège de Modène, sa reconnaissance alla jusqu’à des excès que le sage Atticus désapprouvait et qui fâchèrent Brutus. Ce qui lui fait alors oublier toute mesure, c’est la joie qu’il ressent de la défaite d’Antoine ; sa haine l’aveugle et l’emporte. « Quand il voit cet ivrogne tomber, au sortir de ses débauches, dans les filets d’Octave[3], » il ne se possède plus. Mais cette joie ne fut pas longue, car il apprit la trahison du général presque en même temps que sa victoire. C’est surtout à ce moment que ses lettres deviendraient intéressantes. Elles éclaireraient pour nous les derniers mois de sa vie

  1. Ad Att., XVI, 11.
  2. Ad Att., XIV, 12.
  3. Ad fam., XII, 25 : Quem ructantem et nauseantem conjeci in Cæsaris Octaviani plagas.