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dévoués à leur pays, jaloux de leurs privilèges, même quand ils n’en faisaient rien, fiers du titre qu’ils portaient de citoyens romains, et fort attachés au gouvernement républicain qui le leur avait donné. La république avait conservé pour eux son prestige parce qu’en vivant loin d’elle ils en voyaient moins les faiblesses, et qu’ils se souvenaient toujours de son ancienne gloire. C’est au milieu de ces populations rustiques, arriérées dans leurs idées comme dans leurs manières, que s’écoula l’enfance de Cicéron. Il apprit d’elles à aimer le passé plus qu’à connaître le présent. Ce fut la première impression et le premier enseignement qu’il reçut des lieux comme des gens parmi lesquels il passa ses jeunes années. Il a parlé plus tard avec attendrissement de cette modeste maison que son aïeul avait construite près du Liris, et qui rappelait par sa simplicité austère celle du vieux Curius[1]. Il me semble que ceux qui l’habitaient devaient se croire reportés à un siècle en arrière, et qu’en les faisant vivre avec les souvenirs du passé, elle leur donnait l’habitude et le goût des choses anciennes. Voilà sans doute ce que Cicéron doit à sa naissance, s’il lui doit quelque chose. Il a pu prendre dans sa famille le respect du passé, l’amour de son pays et une préférence instinctive pour le gouvernement républicain ; mais il n’y trouva pas de tradition précise ni d’engagement positif avec aucun parti. Quand il entra dans la vie politique, il fut forcé de se décider seul, grande épreuve pour un caractère irrésolu ! et pour choisir entre tant d’opinions contraires il lui fallut de bonne heure étudier et réfléchir.

Cicéron avait consigné le résultat de ses réflexions et de ses études dans des écrits politiques dont le plus important, la République, ne nous est parvenu que

  1. De leg., II, 1.