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pouvait-il pas tenter ce dernier combat ? Brutus l’avait toujours pensé ; en ce moment, il osa le dire. Il montra à Cicéron un grand devoir à accomplir, un grand rôle jouer ; ses conseils, ses reproches, ses prières, le déterminèrent à renoncer à son voyage et à revenir à Rome. Il lui semblait entendre, comme il le disait plus tard, la voix de la patrie qui le rappelait[1] ! Et ils se séparèrent pour ne plus se retrouver.

Cependant Brutus avait beau résister, la pente inévitable des événements contre laquelle il luttait depuis six mois l’entraînait à la guerre civile. En quittant l’Italie, il était venu à Athènes, où il passait son temps à écouter l’académicien Théomneste et le péripatéticien Cratippe. Plutarque voit dans cette conduite une habile dissimulation. « En secret, dit-il, il préparait la guerre. » Les lettres de Cicéron prouvent au contraire que c’est la guerre qui l’alla chercher. La Thessalie et la Macédoine étaient pleines d’anciens soldats de Pompée qui y étaient restés depuis Pharsale ; les îles de la mer Égée, les villes de la Grèce, qui étaient regardées comme des sortes de lieux d’asile pour les exilés, contenaient beaucoup de mécontents qui n’avaient pas voulu plier sous César, et depuis les ides de mars elles étaient le refuge de tous ceux qui fuyaient la domination d’Antoine. Enfin Athènes était peuplée de jeunes gens des plus grandes maisons de Rome, républicains par leur naissance et par leur âge, qui venaient y achever leur éducation. Tous n’attendaient que Brutus pour prendre les armes. À son arrivée il se fit de tous les côtés un grand et irrésistible mouvement auquel il fut contraint de céder lui-même. Apuleius et Vatinius lui amenèrent les troupes qu’ils commandaient. Les anciens soldats de la Macédoine se réunirent sous les ordres de Q. Hortensius ; il en vint

  1. Ad fam., X, 1.