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IV

Brutus fut bien réellement le chef de la conjuration, quoiqu’il n’en ait pas eu la première pensée. Cassius, qui l’avait formée, aurait pu seul lui disputer le droit de la diriger. Peut-être en eut-il un moment l’intention. Nous voyons qu’il proposa d’abord un plan de conduite où se retrouve toute la violence de son caractère. Il voulait qu’on tuât avec César ses principaux amis, et surtout Antoine. Brutus s’y refusa, et les autres conjurés furent de son opinion. Cassius lui-même finit par se rendre, car il faut remarquer que, quoique impérieux et hautain, il subissait, lui aussi, l’ascendant de Brutus. Il essaya plusieurs fois de s’y soustraire ; mais, après beaucoup d’emportements et de menaces, il se sentait vaincu par la froide raison de son ami : c’est donc Brutus qui a vraiment conduit toute l’entreprise.

On le voit bien, et dans la manière dont elle fut conçue et exécutée on retrouve tout à fait son caractère et son tour d’esprit. Nous ne sommes pas ici devant une conjuration ordinaire ; nous n’avons pas affaire à des conspirateurs de métier, à des gens de violence et de coups de main. Ce ne sont pas non plus des ambitieux vulgaires qui convoitent la fortune ou les honneurs d’un autre, ni même des furieux que des haines politiques égarent jusqu’à la frénésie. Ces sentiments sans doute se trouvaient dans le cœur de beaucoup de conjurés, les historiens le disent ; mais Brutus les a forcés à se cacher. Il a tenu à accomplir son action avec une sorte de dignité tranquille. C’est au système seul qu’il en veut ; quant à l’homme, il semble qu’aucune haine ne l’anime contre lui. Après l’avoir frappé, il ne l’outrage pas ; il