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Ils étaient encore brouillés à la suite de leur rivalité pour la préture urbaine. Cassius mit de côté tous ses ressentiments et alla trouver son beau-frère. « Il le prit par la main, raconte Appien, et lui dit : Que ferons-nous si les flatteurs de César proposent de le faire roi ? Brutus répondit qu’il comptait ne pas aller au sénat. — Mais quoi ? reprit Cassius. Si nous y sommes appelés en notre qualité de préteurs, que faudra-t-il donc faire ? — Je défendrai la république, dit l’autre, jusqu’à la mort. — Ne veux-tu donc pas, répondit Cassius en l’embrassant, pendre quelques-uns des sénateurs pour complices de tes desseins ? Penses-tu que ce sont des misérables et des mercenaires ou les premiers citoyens de Rome qui placent sur ton tribunal les inscriptions que tu y trouves ? On attend des autres préteurs des jeux, des courses ou des chasses ; ce qu’on réclame de toi, c’est que tu rendes à Rome sa liberté, comme l’ont fait tes ancêtres[1]. » Ces paroles achevèrent d’entraîner une âme que tant de sollicitations secrètes ou publiques avaient depuis longtemps ébranlée. Hésitante encore, mais déjà presque gagnée, elle n’attendait plus pour se rendre que de se trouver en présence d’une résolution bien arrêtée.

La conjuration avait enfin son chef. Il n’y avait plus de raison d’hésiter ni d’attendre. Pour éviter les indiscrétions ou les faiblesses, il fallait se hâter d’agir, C’est peu de temps après la fête des lupercales, célébrée le 15 de février, que Cassius avait tout révélé à Brutus, et moins d’un mois après, le 15 de mars, César était frappé dans la curie de Pompée.

  1. De Bell. civ., II, 113. — Plutarque raconte la même chose, et presque dans les mêmes termes.