Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sauvée par lui, et qu’elle aurait presque autant aimé passer par les mains des Parthes. Cassius était amer dans ses railleries, inégal, emporté, quelquefois cruel[1], et l’on comprend qu’un assassinat ne lui ait pas répugné ; mais d’où lui vint la pensée de tuer César ? Plutarque dit que c’est du dépit de n’avoir pas obtenu la préture urbaine que la faveur du dictateur avait accordée à Brutus, et rien n’empêche en effet de croire que des ressentiments personnels aient aigri cette âme violente. Pourtant, si Cassius n’avait eu que cet outrage à venger, il n’est pas probable qu’il se fût entendu avec celui qui en avait été le complice et qui en avait profité. Il avait bien d’autres motifs de haïr César. Aristocrate de naissance et de passion, il portait dans son cœur toutes les haines de l’aristocratie vaincue ; il lui fallait une sanglante revanche de la défaite des siens, et le pardon de César n’avait pas éteint cette colère que soulevait en lui le spectacle de sa caste opprimée. Ainsi, tandis que Brutus cherchait à être l’homme d’un principe, Cassius était ouvertement l’homme d’un parti. Il paraît qu’il eut de bonne heure la pensée de venger Pharsale par un assassinat. Du moins Cicéron dit que, quelques mois à peine après qu’il eut obtenu son pardon, il attendait César sur une des rives du Cydnus pour le tuer, et que César ne fut sauvé que par le hasard qui le fit aborder sur l’autre rive. À Rome, malgré les faveurs dont il était l’objet, il reprit son dessein. C’est lui qui noua la conjuration, alla trouver les mécontents, les réunit dans des conférences secrètes, et comme il vit que tous demandaient d’avoir Brutus pour chef, c’est lui aussi qui se chargea de lui parler.

  1. Il faut cependant remarquer qu’il y a plusieurs lettres de Cassius dans la correspondance de Cicéron et que quelques-unes sont spirituelles et fort gaies. On y trouve même des calembours. (Ad fam., XV, 19.)