dessein d’être libre[1]. C’est par là qu’il se défendait contre les amis du dictateur, peut-être contre sa mère, quand elle lui montrait, pour l’éblouir, que, s’il voulait souffrir la royauté de César, il pouvait espérer de la partager. Ce n’est pas lui qui aurait jamais consenti à payer de sa liberté le droit de dominer sur les autres ; le marché lui aurait paru désavantageux. « Il vaut mieux, a-t-il écrit quelque part, ne commander à personne que d’être l’esclave de quelqu’un. On peut vivre sans commander, et il n’y a pas de raison de vivre quand on est esclave[2]. »
Au milieu de toutes ces anxiétés qu’on ne pouvait pas connaître, il se passa un fait qui surprit beaucoup le public, et que les lettres de Cicéron racontent sans l’expliquer. Quand on apprit que César, vainqueur des fils de Pompée, revenait à Rome, Brutus mit à se porter à sa rencontre un empressement que tout le monde remarqua et que beaucoup de gens blâmèrent. Quel était donc son dessein ? Quelques mots de Cicéron, auxquels on n’a pas fait assez d’attention, permettent de le deviner. Au moment de prendre une résolution suprême, Brutus voulait tenter sur l’esprit de César un dernier effort et essayer une dernière fois de le rapprocher de la république. Il affecta de louer devant lui les gens du parti vaincu, surtout Cicéron, dans l’espérance qu’ils pourraient être rappelés aux affaires. César écouta ces éloges avec bienveillance, accueillit bien Brutus, et ne le découragea pas trop. Celui-ci, trop facilement confiant, s’empressa de retourner à Rome et d’annoncer à tout le monde que César revenait aux honnêtes gens. Il alla jusqu’à conseiller à Cicéron d’adresser au dictateur une lettre politique qui contint de bons conseils et quelques avances ; mais Cicéron ne partageait pas les espé-