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tributs que Rome avait imposés aux peuples soumis. Leur avidité ne respectait rien ; Tite-Live a dit sur eux ce mot terrible : « Partout où pénètre un publicain, il n’y a plus de justice ni de liberté pour personne[1]. » Il était bien difficile aux malheureuses villes d’assouvir ces financiers intraitables ; presque partout les caisses municipales, mal administrées par des magistrats inhabiles ou pillées par des magistrats malhonnêtes, étaient vides. Cependant il fallait trouver de l’argent à tout pris. Or, à qui pouvait-on en demander, sinon aux banquiers de Rome, devenus depuis un siècle les banquiers du monde entier ? C’est donc à eux qu’on s’adressait. Quelques-uns étaient assez riches pour tirer de leur fortune particulière de quoi prêter aux villes ou aux souverains étrangers, comme ce Rabirius Postumus, pour lequel Cicéron a plaidé, et qui fournit au roi d’Égypte l’argent nécessaire pour reconquérir son royaume. D’autres, pour moins s’exposer, formaient des associations financières dans lesquelles les plus illustres Romains apportaient leurs fonds. C’est ainsi que Pompée était intéressé pour une somme importante dans une de ces sociétés en commandite qu’avait fondée Cluvius de Pouzzoles. Tous ces prêteurs, que ce fussent des particuliers ou des compagnies, des chevaliers ou des patriciens, étaient très peu scrupuleux et n’avançaient leur argent qu’à des taux énormes, généralement à 4 ou 5 pour 100 par mois. La difficulté pour eux consistait à se faire payer. Comme il n’y a que les gens tout à fait ruinés qui acceptent ces dures conditions, l’argent qu’on prête à de si gros intérêts est toujours compromis. Quand l’échéance arrivait, la pauvre ville était moins en état de payer que jamais : elle faisait mille chicanes, parlait de se plaindre au sénat et commençait par invoquer le proconsul.

  1. Tite-Live, XLV, 18.