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Deux amis qui se ressemblaient si peu devaient naturellement se heurter dans toutes les occasions. Leurs premiers différends furent littéraires. C’était l’habitude alors au barreau de partager une cause importante entre plusieurs orateurs ; chacun prenait la partie qui convenait le mieux à son talent. Cicéron, contraint de paraître souvent devant les juges, y venait avec ses amis et ses disciples, et leur distribuait une part de sa tâche, afin de pouvoir y suffire. Souvent il se contentait de garder pour lui la péroraison, où son éloquence abondante et passionnée se mettait à l’aise, et leur abandonnait le reste. C’est ainsi qu’au début de leur amitié Brutus plaida à ses côtés et sous sa direction. Cependant Brutus n’était pas de son école : admirateur fanatique de Démosthène, dont il avait fait placer la statue parmi celles de ses aïeux, nourri de l’étude des Attiques, il cherchait à reproduire leur sobriété élégante et leur fermeté nerveuse. Tacite dit que ses efforts n’étaient pas toujours heureux : à force de fuir les ornements et le pathétique, il était terne et froid ; en recherchant trop la précision et la force, il devenait sec et tendu. C’étaient des défauts antipathiques à Cicéron, qui, voyant d’ailleurs dans cette éloquence, qui fit école, une critique de la sienne, essaya par tous les moyens de convertir Brutus ; mais il n’y réussit pas, et sur ce point ils ne parvinrent

    au musée du Capitole, la figure est plus pleine et plus belle. La douceur et la tristesse sont restées ; l’air maladif a disparu. Les traits y ressemblent tout à fait à ceux qu’on trouve sur la fameuse médaille qui fut frappée pendant les dernières années de Brutus, et qui porte à son revers un bonnet phrygien entre deux poignards, avec cette légende menaçante : Ictus martiœ. Michel-Ange avait commencé un buste de Brutus dont on peut voir l’admirable ébauche aux Offices de Florence. Ce n’était pas une étude de fantaisie, et l’on voit qu’il s’était servi des portraits antiques en les idéalisant.