Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’avoir vu défendre plus d’une fois leurs intérêts contre d’avides gouverneurs, et tout récemment encore l’Italie lui avait prouvé son affection en le portant en triomphe de Brindes à Rome. Brutus n’avait que trente et un ans ; une grande partie de sa vie s’était passée loin, de Rome, à Athènes, où l’on savait qu’il s’était livré avec ardeur à l’étude de la philosophie grecque, à Chypre et en Orient, où il avait suivi Caton. Il n’avait encore rempli aucune de ces fonctions qui donnaient une importance politique, et il lui fallait attendre plus de dix ans avant de songer au consulat. Pourtant Brutus était déjà un personnage. Dans ses premières relations avec Cicéron, malgré la distance que mettaient entre eux l’âge et les dignités, c’est Cicéron qui fait les avances, qui ménage Brutus, et qui le prévient. On dirait que ce jeune homme eût fait naître de lui une singulière attente, et qu’on pressentît confusément qu’il était destiné à de grandes choses. Pendant que Cicéron était en Cilicie, Atticus, le pressant de faire droit à quelques demandes de Brutus, lui disait : « Quand vous ne rapporteriez de cette province que son amitié, ce serait beaucoup[1]. » Et Cicéron écrivait de lui à la même époque : « Il est déjà le premier de la jeunesse, il sera bientôt, je l’espère, le premier de la cité[2]. »

Tout en effet semblait promettre à Brutus un grand avenir. Descendant d’une des plus illustres maisons de Rome, neveu de Caton, beau-frère de Cassius et de Lépide, il venait d’épouser une des filles d’Appius Claudius ; une autre était déjà mariée au fils aîné de Pompée. Par ces alliances, il tenait de tous côtés aux familles les plus influentes ; mais son caractère et ses mœurs le distinguaient plus encore que sa naissance. Sa jeunesse avait été austère : il avait étudié la philosophie, non pas

  1. Ad Att., VI, 1.
  2. Ad fam., III, 11.