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pompéiens fougueux, qu’aucune ville ne sera pillée, qu’aucun citoyen ne sera tué en dehors du champ de bataille. Il semble que l’approche des calamités qu’il prévoit ait attendri ce cœur énergique. Le soir du combat de Dyrrachium, tandis que tout le monde se réjouissait dans le camp de Pompée, Caton seul, en voyant les cadavres étendus de tant de Romains, Caton pleura : nobles larmes, dignes de celles que versa Scipion sur la ruine de Carthage, et dont l’antiquité a si souvent rappelé le souvenir ! Sous la tente, à Pharsale, il blâmait sévèrement ceux qui ne parlaient que de massacrer et de proscrire et qui se partageaient d’avance les maisons et les terres des vaincus. Il est vrai qu’après la défaite, lorsque la plupart de ces exagérés étaient aux genoux de César, Caton allait lui chercher partout des ennemis et ranimer la guerre civile aux extrémités du monde. Autant il voulait qu’on cédât avant la bataille, autant il était décidé à ne pas se soumettre quand il n’y avait plus d’espoir d’être libre. On connaît son héroïque résistance en Afrique, non seulement contre César, mais contre les furieux du parti républicain, toujours prêts à commettre quelque excès. On sait comment après Thapsus, quand il vit que tout était perdu, il ne voulut pas accepter le pardon du vainqueur et se tua à Utique.

Cette mort eut un immense retentissement dans tout le monde romain. Elle fit rougir ceux qui commençaient à s’accoutumer à l’esclavage ; elle rendit une sorte d’élan aux républicains découragés et ranima l’opposition. De son vivant, Caton n’avait pas toujours rendu de bons services à son parti, il lui fut très utile après sa mort. La cause proscrite avait désormais son idéal et son martyr. Ce qui lui restait de partisans se réunit et s’abrita sous ce grand nom. À Rome surtout, dans cette grande ville inquiète et remuante, où tant de gens courbaient la tête sans se résigner, sa glorification devint le thème