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fient pas toujours tout ce qu’elles semblent dire, il faut avoir plus d’habitude de la vie qu’on n’en prend d’ordinaire dans une université d’Allemagne. S’il faut dire ce que je pense, dans cette appréciation délicate, je me fierais peut-être encore plus à un homme du monde qu’à un savant.

Cicéron n’est pas le seul que cette correspondance nous fasse connaître. Elle est pleine de détails curieux sur tous ceux qui furent avec lui en relations d’affaires ou d’amitié. C’étaient les plus illustres personnages de ce temps, ceux qui ont joué les premiers rôles dans la révolution qui mit fin à la république romaine. Personne ne mérite plus qu’eux d’être étudié. Il faut remarquer ici, qu’un défaut de Cicéron a grandement servi la postérité. S’il s’agissait de quelque autre, par exemple de Caton, que de gens dont les lettres manqueraient dans cette correspondance ! Les vertueux seuls y tiendraient quelque place, et Dieu sait que le nombre n’en était pas alors bien considérable. Mais, par bonheur, Cicéron était beaucoup plus traitable et n’apportait pas, dans le choix de ses amitiés, les scrupules rigoureux de Caton. Une sorte de bienveillance naturelle le rendait accessible aux gens de toute opinion ; sa vanité lui faisait chercher partout des hommages. Il avait un pied dans tous les partis ; c’est un grand défaut pour un politique, et les malins de son temps le lui ont amèrement reproché, mais un défaut dont nous profitons : de là vient que tous les partis sont représentés dans sa correspondance. Cette humeur complaisante l’a quelquefois rapproché des gens dont les opinions lui étaient le plus contraires. Il s’est trouvé à certains moments en relation étroite avec les plus mauvais citoyens, avec ceux qu’à une autre époque il a flétris de ses invectives. Il nous reste encore des lettres qu’il a reçues d’Antoine, de Dolabella, de Curion, et ces let-