qui se sont fait de lui une idée préconçue. Il n’y a là ni rudesse ni brutalité, mais au contraire beaucoup de finesse et d’esprit. L’occasion était très délicate : il s’agissait de refuser à Cicéron une faveur qu’il souhaitait beaucoup obtenir. Il avait eu sur ses vieux jours la velléité d’être un victorieux, et il demandait au sénat de voter des actions de grâces aux dieux pour le succès de la campagne qu’il venait de faire. En général, le sénat se montra complaisant à ce caprice, Caton presque seul résista ; mais il ne voulait pas non plus se brouiller avec Cicéron, et la lettre qu’il lui écrivit pour justifier son refus est un chef-d’œuvre d’habileté. Il lui prouve qu’en s’opposant à sa demande il entend mieux que lui les intérêts de sa gloire. S’il ne veut pas remercier les dieux des succès que Cicéron a obtenus ; c’est qu’il croit que Cicéron ne les doit qu’à lui-même. Ne vaut-il pas mieux qu’on en reporte sur lui tout l’honneur que si on l’attribuait au hasard ou à la protection du ciel ? Voilà certainement une façon fort aimable de refuser, et qui ne laissait pas même à Cicéron, tout mécontent qu’il était, le droit de se mettre en colère. Caton était donc un homme d’esprit à ses heures, quoique au premier abord on ait quelque peine à le supposer. Son caractère s’était assoupli dans l’étude assidue qu’il avait faite des lettres grecques ; il vivait au milieu d’un monde élégant, et, sans le vouloir, il en avait pris quelque chose. C’est ce que nous fait soupçonner cette lettre spirituelle, et il faut nous souvenir d’elle et avoir soin de la relire toutes les fois que nous serons tentés de nous le figurer comme un paysan malappris.
Il faut avouer cependant que d’ordinaire il était raide et obstiné, dur pour lui-même et sévère aux autres. C’était la pente de son humeur ; il y ajouta par sa volonté. La nature n’est pas seule coupable de ces caractères entiers et absolus qu’on rencontre, et une certaine