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sa vie, que son esclavage n’avait pas été sans quelque honneur ; quievi cum aliqua dignitate[1].

II

En rendant compte des rapports de Cicéron et de César après Pharsale, j’ai volontairement omis de parler de la lutte courtoise qu’ils se livrèrent à propos de Caton. C’est un incident si curieux qu’il m’a semblé mériter la peine d’être étudié à part, et, pour mieux comprendre les sentiments que chacun des deux apporta à cette lutte, peut-être n’est-il pas inutile de commencer par bien connaître le personnage qui fut l’objet du débat.

On se fait généralement une idée assez juste de Caton, et ceux qui l’attaquent comme ceux qui l’admirent sont à peu près d’accord sur les traits principaux de son caractère. Ce n’était pas une de ces natures fuyantes et multiples, comme Cicéron, qu’il est si difficile de saisir. Au contraire, personne ne fut jamais plus absolu, plus uniforme que lui, et il n’y a pas de figure dans l’histoire dont les qualités et les défauts soient aussi nettement marqués. Le seul danger pour ceux qui l’étudient, c’est d’être tentés d’exagérer encore ce relief vigoureux. Avec un peu de bonne volonté, il est facile de faire de cet opiniâtre un têtu, de cet homme franc et sincère un rustre et un brutal, c’est-à-dire d’avoir la charge et non le portrait de Caton. Pour éviter de tomber dans cet excès, il convient, avant de parler de lui, de relire une petite lettre qu’il adressait à Cicéron, proconsul en Cilicie[2]. Ce billet est tout ce qui nous reste de Caton, et je serais surpris qu’il n’étonnât pas beaucoup ceux

  1. Philipp., III, 11.
  2. Ad fam., XV, 5.