Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donna l’ordre à ses soldats d’épargner leurs concitoyens, et sur le champ de bataille même il tendit la main à Brutus et à beaucoup d’autres. On a tort de penser toutefois qu’il y ait eu à ce moment une amnistie générale[1]. Au contraire, un édit d’Antoine, qui gouvernait Rome en l’absence de César, défendit sévèrement à tous les pompéiens de revenir en Italie sans en avoir obtenu la permission. Cicéron et Lælius, qui n’étaient pas à craindre, furent seuls exceptés. Beaucoup d’autres rentrèrent ensuite, mais on ne les rappela qu’individuellement et par des décrets spéciaux. C’était le moyen pour César de tirer un meilleur parti de sa clémence. D’ordinaire ces grâces qu’on accordait ainsi en détail n’étaient pas gratuites, et on les faisait presque toujours payer aux exilés d’une partie de leur fortune. Rarement aussi elles étaient complètes du premier coup ; on leur permettait de revenir en Sicile, puis en Italie, avant de leur ouvrir tout à fait les portes de Rome. Ces degrés habilement ménagés, en multipliant le nombre des faveurs accordées par César, ne laissaient pas s’assoupir l’admiration publique. Chaque fois le chœur des flatteurs recommençait ses louanges, et l’on ne cessait pas de célébrer la générosité du vainqueur.

Il y avait donc, après Pharsale, un certain nombre d’exilés en Grèce et dans l’Asie qui attendaient avec impatience qu’on leur donnât la permission de revenir chez eux, et qui ne l’obtinrent pas tous. Les lettres de Cicéron nous rendent le service de nous en faire connaître quelques-uns. Ce sont des gens de toute condition et de toute fortune, des négociants et des fermiers de l’impôt aussi bien que des grands seigneurs. À côté d’un Marcellus, d’un Torquatus, d’un Domitius, il y a des personnages

  1. L’amnistie générale, dont parle Suétone, n’eut lieu que beaucoup plus tard.