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vons au moins une demi-liberté en sachant nous cacher et nous taire[1]. » Se taire et se cacher, c’était bien le programme qui lui convenait le mieux, comme à tous ceux qui s’étaient soumis après Pharsale. On va voir comment il y fut fidèle.

I

Il est bien difficile de se déshabituer tout d’un coup de la politique. Le maniement des affaires et l’exercice du pouvoir, même quand ils ne contentent pas tout à fait une âme, la désenchantent du reste, et la vie paraît vide à celui qui ne les a plus pour la remplir. C’est ce qui arriva à Cicéron. Il était certainement très sincère lorsqu’en quittant Brindes il s’engageait à se cacher tout entier dans les lettres ; mais il avait promis plus qu’il ne pouvait tenir. Il se fatigua vite du repos, et les plaisirs de l’étude finirent par lui sembler un peu trop calmes ; il prêta l’oreille avec, plus de curiosité aux bruits du dehors, et, afin de les mieux entendre, il quitta Tusculum pour revenir à Rome. Là, il reprit insensiblement ses anciennes habitudes ; il retourna au sénat ; sa maison s’ouvrit de nouveau à tous ceux qui aimaient les lettres et les cultivaient ; il se remit à fréquenter les amis qu’il avait dans le parti de César, et par leur intermédiaire il renoua ses relations avec César lui-même.

Ils se réconcilièrent facilement, malgré tous les motifs qu’ils avaient de s’en vouloir. Le goût des plaisirs de l’esprit qui les réunissait était plus fort chez eux que toutes les antipathies politiques. La première irritation passée, ils revinrent l’un vers l’autre avec cette aisance

  1. Ad Att., XVI, 31.