Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’illustrer, devait donner longtemps une nouvelle jeunesse et un retour de vigueur à cet empire fatigué.

Pendant que ces grandes choses s’accomplissaient en Gaule, Rome continuait à être le théâtre des plus honteux désordres. Il n’y avait plus de gouvernement ; c’est à peine si on parvenait à élire des magistrats, et il fallait se battre chaque fois que le peuple se rassemblait sur le forum ou au champ de Mars. Ces troubles, dont rougissaient les honnêtes gens, ajoutaient encore à l’effet que produisaient les victoires de César. Quel contraste entre les combats livrés contre Arioviste ou Vercingétorix et ces batailles de gladiateurs qui ensanglantaient les rues de Rome ! Et combien la prise d’Agendicum ou d’Alésia paraissait glorieuse à des gens qui n’étaient occupés que du siége de la maison de Milon par Clodius, ou de l’assassinat de Clodius, par Milon ! Tous les hommes d’État qui étaient restés à Rome, Pompée comme Cicéron, avaient perdu quelque chose de leur dignité en se mêlant à ces intrigues. César, qui s’en était retiré à temps, était le seul qui eût grandi au milieu de l’abaissement général. Aussi tous ceux dont l’âme était blessée de ces tristes spectacles et qui avaient quelque souci de l’honneur romain tenaient-ils les yeux fixés sur lui et sur son armée. Comme il arriva à certains moments de notre révolution, la gloire militaire consolait les honnêtes gens des hontes et des misères de l’intérieur. En même temps l’excès du mal faisait qu’on en cherchait partout un remède efficace. L’idée commençait à se répandre que, pour avoir enfin le repos, il fallait créer un pouvoir fort et durable. Après l’exil de Cicéron, les, aruspices avaient prédit que la monarchie allait recommencer[1], et il n’était pas besoin d’être devin pour le prévoir. Quelques années plus tard, le mal ayant encore

  1. De Arusp. resp., 25.