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dans son amitié. « J’imiterai, disait-il, les voyageurs qui se sont levés plus tard qu’ils ne voulaient : ils redoublent de vitesse et se hâtent si bien qu’ils arrivent au terme avant ceux qui ont marché une partie de la nuit[1]. » Ils faisaient ensemble comme un assaut de coquetteries ; ils s’accablaient de compliments et se provoquaient l’un l’autre par des ouvrages en vers et en prose. En lisant les premiers récits de l’expédition de Bretagne, Cicéron s’écriait dans un transport d’enthousiasme : « Quels prodigieux événements ! quels pays l quels peuples ! quelles batailles et surtout quel général. Aussitôt il écrivait à son frère : Donnez-moi la Bretagne à peindre, fournissez-moi les couleurs, je tiendrai le pinceau[2]. Et il avait sérieusement commencé sur cette conquête un poème épique que ses occupations l’empêchaient de mener aussi vite qu’il l’aurait voulu. César, de son côté, dédiait à Cicéron son traité de l’Analogie, et à ce propos il lui disait dans un magnifique langage : « Vous avez découvert toutes les richesses de l’éloquence et vous vous en êtes servi le premier. À ce titre, vous avez bien mérité du nom romain et vous honorez la patrie. Vous avez obtenu la plus belle de toutes les gloires et un triomphe préférable à ceux des plus grands généraux, car il vaut mieux étendre les limites de l’esprit que de reculer les bornes de l’empire[3]. » C’était là, pour un écrivain, la plus délicate des flatteries, venant d’un victorieux comme César.

Tels étaient les rapports que Cicéron entretenait avec César et ses officiers pendant la guerre des Gaules. Sa correspondance, qui nous en conserve le souvenir en nous faisant mieux connaître les goûts et les préférences de tous ces gens d’esprit, nous les fait paraître

  1. Ad Quint., II, 15.
  2. Ad Quint., II, 16.
  3. Cicéron, Brut., 12, et Pline, Hist. nat., VII, 30.