Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demeures. On sait qu’il était sobre, qu’à l’occasion il était capable de bien dormir en plein air et de manger de l’huile rance sans sourciller ; mais il avait du goût pour la représentation et le luxe. Quoique la république durât encore, c’était déjà presque un roi ; jusque dans ses camps de Bretagne et de Germanie, il avait des empressés et des courtisans. On ne l’abordait qu’avec peine ; Trébatius en fit l’épreuve, et nous savons qu’il fut longtemps avant de pouvoir arriver jusqu’à lui. Sans doute César n’accueillait pas les gens avec cette majesté raide et solennelle qui rebutait dans Pompée ; mais, quelque gracieux qu’il voulût être, il y avait toujours quelque chose en lui qui inspirait le respect, et on sentait que cette aisance de manières qu’il affectait avec tout le monde venait d’une supériorité sûre d’elle-même. Ce défenseur de la démocratie n’en était pas moins un aristocrate qui n’oubliait jamais sa naissance et parlait volontiers de ses aïeux. Ne l’avait-on pas entendu, au début de sa vie politique, lorsqu’il attaquait avec le plus de vivacité les institutions de Sylla et qu’il essayait de faire rendre aux tribuns leur ancien pouvoir, prononcer pour sa tante une oraison funèbre toute pleine de mensonges généalogiques, et dans laquelle il racontait avec complaisance que sa famille descendait à la fois des rois et des dieux ? Au reste, il suivait en cela les traditions des Gracques, ses illustres prédécesseurs. Eux, aussi défendaient avec ardeur les intérêts populaires, mais ils rappelaient l’aristocratie dont ils étaient sortis par l’élégance hautaine de leurs manières. On sait qu’ils avaient une cour de clients à leur lever, et que les premiers ils imaginèrent de faire entre eux des distinctions qui ressemblent aux grandes et aux petites entrées de Louis XIV.

Ce qui était remarquable surtout dans cet entourage de César, c’est l’amour qu’on y avait pour les lettres.