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tourage que de recueillir avec soin les détails épars qu’elles contiennent.

Je me figure que l’armée de César ne ressemblait pas à ces vieilles armées romaines qu’on nous dépeint graves et sobres, tremblant toujours sous la verge des licteurs et soumises en tout temps à une discipline inflexible. Elle était sans doute sévèrement tenue au moment du danger, et ne s’en plaignit jamais. Aucune autre n’a supporté plus de fatigues et exécuté de plus grands ouvrages ; mais quand le péril était passé, la discipline se détendait. César permettait à ses soldats le repos et quelquefois le plaisir. Il les laissait se couvrir d’armes brillantes et même se parer avec recherche. « Qu’importe qu’ils se parfument ? disait-il. Ils sauront bien se battre[1]. » Et en effet ces soldats, que les pompéiens appelaient des efféminés, sont les mêmes qui, mourant de faim à Dyrrhachium, déclaraient qu’ils mangeraient l’écorce des arbres plutôt que de laisser échapper Pompée. Ils étaient recrutés en grande partie parmi ces Gaulois cisalpins auxquels la civilisation romaine n’avait pas ôté les qualités qu’ils tenaient de leur origine, race aimable et brillante qui aimait la guerre et la faisait gaiement. Les chefs ressemblaient beaucoup aux soldats ; ils étaient vifs et ardents, pleins de ressources dans les moments critiques, et se fiant plus à l’inspiration qu’à la routine. Il est à remarquer qu’aucun d’eux n’avait acquis sa réputation dans des guerres antérieures. César semble avoir voulu que leur gloire militaire ne datât que de lui. Quelques-uns, et parmi eux le plus grand peut-être, Labienus, étaient ses amis politiques, d’anciens conspirateurs comme lui, qui d’agitateurs populaires étaient devenus, à son exemple et sans plus d’étude, d’excellents généraux. D’autres au con-

  1. Suétone, César, 67.