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III

Cicéron avait bien prévu que, quoique César en écrivant ses Commentaires n’annonçât d’autre prétention que de préparer des matériaux pour l’histoire, la perfection de cet ouvrage empêcherait les gens sensés de le recommencer. Aussi Plutarque et Dion se sont-ils bien gardés de le refaire ; il leur a suffi de l’abréger et aujourd’hui nous ne connaissons plus la guerre des Gaules que par le récit de celui qui en a été le héros. Quelque parfait que soit ce récit, ou plutôt à cause de sa perfection même, nous avons beaucoup de peine à nous en contenter. C’est le propre de ces beaux ouvrages, qui sembleraient devoir épuiser la curiosité publique, de la rendre au contraire plus vive. En nous intéressant davantage aux faits qu’ils racontent, ils excitent en nous le désir de les mieux connaître, et l’un des signes les plus certains du succès qu’ils obtiennent, c’est de ne pas suffire aux lecteurs et de leur faire souhaiter d’en savoir plus qu’ils ne disent. Ce besoin d’avoir des détails nouveaux sur un des événements les plus importants de l’histoire est ce qui rend si précieuses pour nous les lettres que Cicéron écrit à Trébatius et à son frère. Quoiqu’elles soient plus rares et plus courtes que nous ne le voudrions, elles ont le mérite d’ajouter quelques lumières à celles que César donne sur ses campagnes. Comme elles sont plus familières qu’un récit composé pour le public, elles nous introduisent davantage dans la vie privée du vainqueur des Gaule ; elles nous font pénétrer sous sa tente, à ses heures de loisir et de repos, dont il n’a pas songé à nous parler lui-même. C’est assurément un spectacle curieux, c’est le complément naturel des Commentaires, et nous n’avons rien de mieux à faire, pour bien connaître César et son en-