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de paraître au sénat quand on devait y traiter des questions irritantes, et qu’il avait grand soin de se sauver du forum dès que la discussion y devenait trop vive. Plus de remèdes énergiques, répondait-il à ceux qui essayaient de le pousser à quelque action d’éclat ; je veux me traiter par le régime[1].

Cependant il s’aperçut bientôt que cette adroite réserve ne suffisait pas à écarter de lui tout danger. Tandis qu’il faisait rebâtir sa maison du Palatin, qui avait été détruite après son départ, les bandes de Clodius se jetèrent sur les ouvriers, les dispersèrent, et, enhardis par ce succès, mirent le feu à celle de son frère Quintus, qui était voisine. Quelques jours plus tard, comme il se promenait sur la voie Sacrée, il entendit tout à coup un grand bruit, et vit en se retournant des bâtons levés et des épées nues. C’étaient les mêmes gens qui venaient l’assaillir. Il eut grand’peine à se sauver dans le vestibule d’une maison amie pendant que ses esclaves se battaient bravement devant la porte pour lui donner le temps de s’échapper. Caton n’aurait pas été ému de ces violences ; Cicéron dut en être très effrayé : elles lui firent surtout comprendre que son système de ménagements habiles, n’assurait pas suffisamment sa sécurité. Il était probable en effet qu’aucun parti ne s’exposerait pour le défendre tant qu’il n’aurait à lui donner que des compliments, et comme il ne pouvait pas rester seul et sans secours au milieu de toutes ces factions armées, il fallait bien que, pour trouver l’appui dont il avait besoin, il consentît à s’engager davantage avec l’une d’elles.

Mais laquelle devait-il choisir ? C’était une question grave, qui allait mettre son intérêt aux prises avec ses sympathies. Toutes ses préférences étaient évidemment pour l’aristocratie. Il s’était étroitement attaché à elle

  1. Ad Att., IV, 3. Eqo diœta curari incipio, chirurgiœ tœdet.