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aurait donné. Qu’était-ce en effet que ces dignités et ces honneurs dont on prétendait les payer, quand un seul homme possédait la réalité du pouvoir ? Il y avait sans doute encore des préteurs et des consuls ; mais quelle comparaison pouvait-on faire entre ces magistrats dépendant d’un homme, soumis à ses caprices, dominés par son autorité, obscurcis et comme effacés par sa gloire, et ceux de l’ancienne république ? De là devaient naître inévitablement des mécomptes, des regrets, et souvent aussi des trahisons. Voilà comment ces alliés que César avait recrutés dans les divers partis politiques, après lui avoir été fort utiles, ont tous fini par lui causer de grands embarras. Aucun de ces esprits remuants et indociles, indisciplinés de nature et d’habitude, n’a consenti volontiers à subir une discipline, et ne s’est résigné de bon cœur à obéir. Dès qu’ils n’étaient plus sous les yeux du maître et contenus par sa main puissante, les anciens instincts reprenaient chez eux le dessus ; ils redevenaient à la première occasion les séditieux d’autrefois, et dans cette ville pacifiée par le pouvoir absolu, à chaque absence de César les troubles recommençaient. C’est ainsi que Cælius, Dolabella, Antoine, ont compromis la tranquillité publique qu’ils étaient chargés de maintenir. Curion, le chef de cette jeunesse ralliée au gouvernement nouveau, mourut trop vite pour avoir eu le temps d’être mécontent ; mais à la façon légère et dégagée dont il parlait déjà de César dans ses conversations intimes, au peu d’illusion qu’il semblait avoir sur lui, on peut conjecturer qu’il aurait fait comme les autres[1].

Il est facile maintenant de comprendre quelles raisons avait Cælius de se plaindre, et comment cette ambition, que les dignités de l’ancienne république n’avaient pas

  1. Ad Att., X, 4.