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motifs de lui rester fidèles, le trahissaient, pouvait-il compter davantage sur ces alliés douteux qu’il avait recrutés sur le forum, et qui, avant de le servir, avaient servi toutes les causes ? Pour accomplir ses desseins, il avait besoin d’hommes politiques ; il lui en fallait le plus grand nombre possible, afin que le gouvernement nouveau ne parût pas être un régime tout militaire. Aussi n’était-il pas difficile, et les prenait-il sans choisir. C’étaient les malhonnêtes gens de tous les partis qui étaient venus à lui de préférence. Il les accueillait bien, quoiqu’il les estimât peu, et les traînait partout à sa suite. Cicéron en avait été fort effrayé quand César vint le voir avec eux à Formies : « Dans toute l’Italie, disait-il, il n’y a pas un coquin qui ne soit avec lui[1], » et Atticus, si réservé d’ordinaire, ne pouvait s’empêcher d’appeler ce cortége une troupe infernale[2]. Quelque habitué qu’on soit à voir l’initiative de révolutions pareilles prise par des gens qui n’ont pas grand’chose à perdre, il y a lieu cependant d’être surpris que César n’ait pas trouvé quelques alliés plus honorables. Ceux qui lui sont le plus contraires sont bien forcés de reconnaître que, dans ce qu’il voulait détruire, tout ne méritait pas d’être conservé. La révolution qu’il méditait avait des motifs sérieux, il était naturel qu’elle eût aussi des partisans sincères. Comment donc se fait-il que, parmi ceux qui l’aidèrent à changer un régime dont beaucoup se plaignaient, dont tout le monde avait souffert, il y en ait si peu qui semblent agir par conviction, et que presque tous, au contraire, ne soient que des conspirateurs à gages travaillant sans sincérité pour un homme qu’ils n’aiment pas et à une œuvre qu’ils jugent mauvaise ?

Peut-être faut-il expliquer la composition du parti

  1. Ad Att., IX, 19.
  2. Ad Att., IX, 18.