Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu disposés à obéir, et beaucoup de ces grands noms qui honorent plus un parti qu’ils ne le servent ; ici un régime tout militaire et la discipline d’un camp, là des querelles, des discussions, des rancunes, des rivalités d’influences, des dissentiments d’opinion, enfin toutes les habitudes et tous les inconvénients de la place publique transportés dans un camp. Ce sont les embarras ordinaires d’un parti qui prétend défendre la liberté, car il est difficile d’imposer silence à des gens qui se battent pour conserver le droit de parler, et toute autorité devient vite suspecte quand on a pris les armes pour s’opposer à un abus d’autorité. Mais c’était surtout le caractère des deux chefs qui faisait la différence des deux partis. César paraissait à tout le monde, même à ses plus grands ennemis, un prodige d’activité et de prévoyance. Quant à Pompée, on voyait bien qu’il ne commettait que des fautes, et il n’était pas plus possible alors qu’aujourd’hui d’expliquer sa conduite. La guerre ne l’avait pas surpris ; il disait à Cicéron qu’il l’avait prévue depuis longtemps[1]. C’était peu de la prévoir, il avait paru la souhaiter ; c’est sur son avis qu’on avait refusé les propositions de César, et la majorité du sénat n’avait rien fait sans le consulter. Il avait donc vu venir la crise de loin, et pendant toute cette longue guerre diplomatique qui précéda les hostilités véritables, il avait eu le temps nécessaire pour se préparer. Aussi, quoiqu’il n’en parût rien, tout le monde croyait-il qu’il était prêt. Lorsqu’il disait avec sa jactance ordinaire qu’il n’avait qu’à frapper du pied la terre pour en faire sortir des légions, on supposait qu’il voulait parler de levées secrètes, d’alliances inconnues, qui au dernier moment lui amèneraient des troupes. Il avait une assurance qui redonnait du courage aux plus épouvantés. En vérité, une sécurité si étrange

  1. Ad Att., VII, 4.