se préparait à détruire la constitution de son pays, il avait le talent de paraître la respecter plus que tout le monde. Un juge expert en ces matières, et qui connaît à fond les lois romaines, a déclaré après un mûr examen que César avait la légalité pour lui, et que les griefs dont il se plaignait étaient fondés[1]. Il se gardait bien alors de découvrir tous ses projets et de parler avec autant de franchise qu’il le fit plus tard, lorsqu’il fut le maître. Tantôt il se présentait comme le successeur des Gracques et le défenseur des droits populaires ; tantôt il affectait de dire, pour rassurer tout le monde, que la république n’était pas intéressée dans le débat, et il réduisait la querelle à une lutte d’influence entre deux compétiteurs puissants. Pendant qu’il rassemblait ses légions dans les villes de la haute Italie, il ne parlait que de son désir de conserver la paix publique ; à mesure que ses adversaires devenaient plus violents, il se faisait plus modéré, et jamais il n’avait proposé des conditions si acceptables que depuis qu’il était sûr que le sénat ne voulait pas les écouter. De l’autre côté au contraire, dans le camp où devaient se trouver les modérés et les sages, il n’y avait qu’emportement et maladresse. On traitait d’ennemis publics ceux qui témoignaient quelque répugnance pour la guerre civile ; on ne parlait que de proscrire et de confisquer, et l’exemple de Sylla était dans toutes les bouches. Il arrivait donc que, par une contradiction étrange, c’était dans le camp où l’on faisait profession de défendre la liberté qu’on réclamait avec le plus d’insistance des mesures exceptionnelles, et tandis que l’homme qui attendait tout de la guerre et dont l’armée était prête offrait la paix, ceux qui n’avaient pas un soldat sous les armes s’empressaient de la refuser.
- ↑ Voyez l’excellent mémoire de M. Th. Mommsen intitulé : Die Rechtsfrage zwischen Cæsar und dem Senat, Breslau, 1857.