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des vieux Romains, c’est ce qu’il est bien difficile de supposer. Nous voyons que quelques années plus tard, lorsqu’il était édile et mêlé aux affaires les plus sérieuses, il trouvait le temps de savoir et de raconter toutes les histoires galantes de Rome. Voici ce qu’il écrivait à Cicéron, alors proconsul de Cilicie :

« Il ne s’est rien passé de nouveau que quelques petites aventures que, j’en suis sûr, vous serez aise d’apprendre. Paula Valeria, la sœur de Triarius, a fait divorce sans aucune raison avec son mari, le jour même qu’il devait arriver de sa province ; elle va épouser Décimus Brutus. Ne vous en étiez-vous jamais douté ? Depuis votre absence, il est arrivé bien des choses incroyables en ce genre. Servius Ocella n’aurait persuadé à personne qu’il était un homme à bonnes fortunes, s’il n’avait été pris deux fois sur le fait dans l’espace de trois jours. Vous me demanderez où ? C’est en vérité où je ne voudrais pas[1], mais je vous laisse quelque chose à savoir des autres. Il ne me déplaît pas qu’un proconsul victorieux aille demander à tout le monde avec quelle femme un homme a été surpris[2]. »

Évidemment celui qui a écrit cette lettre charmante ne s’est jamais aussi bien converti que Cicéron le faisait croire, et il me semble que le jeune étourdi qui faisait du tapage la nuit dans les rues de Rome et l’amant de Clodia se retrouvent encore dans l’homme d’esprit qui raconte avec tant d’agrément ces aventures légères. On peut donc affirmer sans témérité, quoique à partir de ce moment sa vie privée nous échappe, qu’il n’a jamais

  1. Probablement avec quelque femme qu’aimait Cælius. Cicéron, en répondant à cette lettre, lui dit que le bruit de ses exploits est parvenu jusqu’au mont Taurus. Beaucoup supposent qu’il s’agit d’exploits amoureux.
  2. Ad fam., VIII, 7.