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fois Cælius s’était lassé le premier. Clodia qui, comme on l’a vu, prenait ordinairement les avances, n’était pas habituée à ce dénouement. Outrée d’être abandonnée, elle s’entendit avec les ennemis de Cælius, qui n’en manquait pas, et le fit accuser de plusieurs crimes, notamment d’avoir voulu l’empoisonner. Voilà, il faut l’avouer, un bien triste lendemain aux fêtes charmantes de Baïes ! Le procès dut être fort amusant, et il est à croire que le forum ce jour-là ne manqua pas de curieux. Cœlius y parut accompagné de ceux qui avaient été ses protecteurs, ses amis, ses maîtres, le riche Crassus et Cicéron. Ils s’étaient partagé sa défense, et c’est Cicéron qui se chargea spécialement de ce qui regardait Clodia. Quoiqu’il déclare, en commençant son discours, « qu’il n’est point l’ennemi des femmes, et encore moins d’une femme qui est l’amie de tous les hommes, » on pense bien qu’il ne laissa pas échapper une si bonne occasion de se venger de tout le mal que lui avait fait cette famille. Ce jour-là, Clodia paya pour tous les siens. Aussi jamais Cicéron n’avait-il été plus piquant et plus vif ; les juges durent beaucoup rire, et Cœlius fut absous.

Dans son discours, Cicéron avait solennellement promis que son client allait changer de conduite. En effet, il était grand temps qu’il se rangeât, et sa jeunesse n’avait que trop duré. Il avait alors vingt-huit ans, et il lui fallait bien songer à devenir édile ou tribun, s’il voulait jouer ce rôle politique que son père avait ambitionné pour lui. On ne sait s’il tint rigoureusement dans la suite tous les engagements que Cicéron avait pris en son nom ; peut-être a-t-il évité désormais de se compromettre dans des scandales trop éclatants, et le mauvais succès de ses amours avec Clodia l’a-t-il guéri de ces bruyantes aventures ; mais qu’il soit devenu un personnage austère, qu’il ait jamais vécu à la façon