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pas exclue : on y était très républicain, et c’est de là que sont sorties les plus violentes épigrammes contre César. On sait de quel ton sont écrites celles de Catulle ; Calvus en avait composé d’autres, que nous avons perdues, et qui étaient, dit-on, bien plus cruelles. La littérature, on le comprend, y tenait autant de place au moins que la politique. On ne manquait pas de se moquer à l’occasion des méchants écrivains, et l’on brûlait même solennellement, pour faire un exemple, les poèmes de Volusius. Quelquefois, à la fin des repas, quand le vin et le rire échauffaient les têtes, on se faisait des défis poétiques : les tablettes passaient de main en main, et chacun y écrivait les vers les plus malins qu’il pouvait trouver. Mais ce qui les occupait encore plus que tout le reste, c’était le plaisir. Tous ces poètes et ces politiques étaient jeunes et amoureux, et quelque agrément qu’ils aient pu trouver à railler Volusius ou à déchirer César, ils préféraient chanter leurs amours. C’est de là aussi que leur est venue leur gloire. La poésie élégiaque des Latins n’a rien à opposer à ces courtes et charmantes pièces que Catulle a écrites pour Lesbie. Properce mêle trop de mythologie à ses soupirs ; Ovide n’est qu’un débauché spirituel : Catulle seul a des accents qui pénètrent. C’est qu’aussi lui seul était blessé d’un amour sincère et profond. Jusque-là, il avait mené une vie dissipée et folle, et son cœur s’était fatigué dans des liaisons passagères ; mais le jour où il a rencontré Lesbie, il a connu la passion. Quoi qu’on puisse penser de Clodia, l’amour de Catulle la relève, et il n’y a rien qui lui soit plus favorable que d’être entrevue à travers cette admirable poésie. Ces fêtes qu’elle donnait à la jeunesse de Rome, et sur lesquelles nous regrettions tout à l’heure de n’avoir pas assez de détails, les vers de Catulle les animent et semblent nous les rendre vivantes ; car n’est-ce pas pour ces réunions charmantes,