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trouve grande, blanche, droite : voilà ses qualités, je les reconnais toutes. Mais que leur réunion forme la beauté, je le nie. Elle n’a rien de gracieux, et dans tout ce vaste corps il n’y a pas une miette d’esprit et d’agrément. C’est Lesbie qui est belle, plus belle que toutes, et elle a si bien pris la grâce pour elle qu’il n’en reste plus pour les autres[1]. »

Une femme comme Clodia, qui avait un goût si décidé pour les gens d’esprit, devait se plaire à fréquenter la société au milieu de laquelle vivait Catulle. On voit bien, à ce qu’il nous en raconte, qu’il n’y en avait pas à Rome qui fût plus spirituelle et plus agréable. Elle réunissait des écrivains et des hommes politiques, des poètes et des grands seigneurs, différents de situation et de fortune, mais tous amis des lettres et du plaisir. C’était Cornificius, Quintilius Varus, Helvius Cinna, dont les vers avaient alors beaucoup de renommée, Asinius Pollion, qui n’était encore qu’un enfant de grande espérance ; c’était surtout Licinius Calvus, à la fois homme d’État et poète, l’une des figures les plus originales de ce temps, qui, à vingt et un ans, avait attaqué Vatinius avec tant de talent et de vigueur, que Vatinius, épouvanté, s’était tourné vers ses juges en leur disant : « Si mon ennemi est un grand orateur, il ne s’ensuit pas que je sois coupable ! » Il faut placer dans ce même groupe Cælius, qui, par son esprit et ses goûts, était bien digne d’en être, et au-dessus Cicéron, protecteur de toute cette jeunesse intelligente, fière de son génie et de sa gloire, et qui saluait en lui, selon l’expression de Catulle, le plus éloquent des fils de Romulus.

Dans ces réunions de gens d’esprit, dont beaucoup étaient des personnages politiques, la politique n’était

  1. Catull. Carm., 86.