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voie Appienne, construite par son grand aïeul. Elle abordait hardiment les gens qu’elle connaissait ; au lieu de baisser timidement les yeux, comme devait faire une matrone bien élevée, elle osait leur parler (Cicéron dit même qu’elle les embrassait quelquefois), et elle les invitait à ses repas. Les gens graves, posés, rigides, s’indignaient ; mais les jeunes gens, à qui ces hardiesses ne déplaisent pas, étaient charmés, et ils allaient dîner chez Clodia[1].

Cælius était alors à Rome un des jeunes gens à la mode. Il avait déjà une grande réputation d’orateur ; on le redoutait pour la vivacité railleuse de sa parole. Il était courageux jusqu’à la témérité, toujours prêt à se lancer dans les entreprises les plus hasardeuses. Il dépensait sans compter, et traînait derrière lui un cortège d’amis et de clients. Peu de gens dansaient aussi bien que lui[2], personne ne le surpassait dans l’art de se mettre avec goût, et l’on citait dans Rome la beauté et la largeur de la bande de pourpre qui bordait sa toge. Toutes ces qualités, les sérieuses comme les futiles, étaient faites pour séduire Clodia. Le voisinage rendit entre eux la connaissance plus facile, et elle devint bientôt la maîtresse de Cælius.

La vie qu’ils menèrent alors, Cicéron, malgré sa réserve, permet de la deviner. Il parle à demi-mots de ces fêtes brillantes que Clodia donnait à son amant et à la jeunesse de Rome dans ses jardins des bords du Tibre ; mais c’est Baïes surtout qui fut, à ce qu’il semble, le théâtre de ces amours. Depuis quelque temps déjà, Baïes était devenu le rendez-vous ordinaire des élégants de Rome et de l’Italie. Les sources d’eaux chaudes qu’on y trouve en abondance servaient d’occasion ou de prétexte à ces réunions. Quelques malades

  1. Tous ces détails et ceux qui suivent sont pris dans le Pro Cælio de Cicéron.
  2. Macrobe, Saturnales, II, 10.