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galanteries de César devaient-elles passer aux yeux de bien des gens, comme plus tard celles d’Auguste, pour une habileté profonde : on pouvait supposer qu’il ne cherchait à plaire aux femmes que pour mener les maris.

Ainsi, par l’abolition des vieilles lois, par le changement des anciennes maximes, les femmes étaient devenues libres. Or, il est à remarquer qu’en général le premier usage qu’on fait de la liberté reconquise, c’est d’en abuser. On ne peut pas jouir d’une manière calme des droits dont on a longtemps été privé, et il entre toujours dans ces premiers moments une sorte d’ivresse, qu’il est malaisé de contenir. C’est ce qui arriva à la société romaine de cette époque, et tous ces dérèglements qu’on remarque alors dans la conduite des femmes s’expliquent en partie par l’attrait et l’enivrement de la liberté nouvelle. Celles qui aiment l’argent, comme Terentia, la femme de Cicéron, se hâtant de jouir du droit qu’on leur a rendu de disposer de leur fortune, s’associent pour des profits douteux avec des affranchis et des hommes d’affaires, volent leurs maris sans scrupule et se jettent dans les spéculations et les trafics, où elles apportent, avec un instinct inouï de rapacité, ce goût de petite épargne et de mesquine économie qui leur est naturel. Celles qui préfèrent le plaisir à la fortune se livrent à tous les plaisirs avec une ardeur emportée. Les moins hardies profitent de la facilité du divorce pour passer d’un amour à l’autre sous le couvert de la loi. Les autres ne prennent pas même cette peine et étalent effrontément leurs scandales.

Clodia était de celles-là ; mais, parmi tous ses vices, qu’elle ne prenait aucun souci de cacher, on est bien forcé de lui reconnaître quelques qualités. Elle n’était pas cupide ; sa bourse était ouverte à ses amis, et Cælius ne rougit pas d’y puiser. Elle aimait les gens d’esprit