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maison du fameux tribun Appius Clodius. Ce fut un événement grave dans sa vie, car c’est là qu’il connut Clodia.

Si l’on s’en tenait au témoignage de Cicéron, on aurait une détestable opinion de Clodia ; mais Cicéron est un témoin trop passionné pour être tout à fait juste, et la haine furieuse qu’il portait au frère le rend très suspect quanti il parle de la sœur. D’ailleurs il se dément en partie lui-même quand il nous dit qu’elle avait conservé des relations avec de fort honnêtes gens, ce qui surprendrait beaucoup s’il était vrai qu’elle eût commis tous les crimes qu’il lui reproche. Il est bien difficile de croire que des personnages importants dans la république et soucieux de leur réputation eussent continué de la voir, s’ils avaient cru qu’elle avait empoisonné son mari et qu’elle était la maîtresse de ses frères. Cependant Cicéron ne l’avait pas inventé ; c’était un bruit public qu’il répétait avec complaisance. Beaucoup de gens à Rome le croyaient, les ennemis de Clodia affectaient de le dire, et l’on en faisait des vers malins qu’on inscrivait sur toutes les murailles. La réputation de Clodia était donc très mauvaise, et il faut bien avouer que, malgré quelques exagérations, elle la méritait en partie. Rien ne prouve qu’elle eût tué son mari, comme on l’en accusait : ces accusations d’empoisonnement étaient alors répandues et accueillies avec une incroyable légèreté, mais elle l’avait rendu fort malheureux pendant sa vie et n’avait pas paru très attristée de sa mort. Il est douteux aussi, quoique le prétende Cicéron, qu’elle eût ses frères pour amants, mais il est malheureusement trop certain qu’elle en avait beaucoup d’autres. La seule excuse qu’on puisse alléguer pour elle, c’est que cette façon de vivre était alors assez ordinaire. Jamais les scandales de ce genre n’avaient été plus communs parmi les grandes dames de Rome. C’est qu’aussi la société romaine traversait